mercredi 28 mars 2007

Madame Plume trahit ses origines.

Madame Plume vit au Québec depuis qu’elle a atterri sur cette foutue planète bleue en plongeant tête première, faisant une Alexandre Despatie d’elle-même, sa mère ne lui accorderait pas la note parfaite, puisqu’elle la trouva fort hésitante sur le tremplin utérin, zigonnant pendant des heures entre je sors ou je ne sors pas? Si vous lisez ses lignes, la preuve est que Mamie Plume clama dans un élan de sagesse à sa première fille, une grande maxime dont elle ne peut toucher les droits d’auteur : « L’hésitation tue » — brève concise, mais fort précise- cette première grande leçon de vie fut comprise sur le champ, par Petite Madame Plume venant de naître.

Depuis son premier jour à insuffler l’oxygène terrestre Madame Plume, ne se permet plus une seconde d’hésitation lorsqu’elle arrive à une intersection à quatre arrêts dans toutes directions ou, si elle doit s’engager d’une voie de desserte accédant à l’autoroute, elle ferme les yeux et rassemble son courage en trois « Je vous salue Marie » et fonce! (Technique de conduite automobile fort utile à Paris, le principe est simple on joue l’innocent venu de la campagne profonde, les autres automobilistes font attention au conducteur perdu, du coup, pas d’accident.)

L’hésitation est le propre du signe zodiaque balance affirment certains — balance d’un bord, balance de l’autre — je crie a la calomnie, je m’insurge sur ce préjugé défavorable, en tant que balance ascendante balance, je plaide la diplomatie chronique, la propension à peser les pour et les contre avant de se commettre.

Mamie Plume n’était pas un exemple de sagesse constante, loin d’être équilibrée, maniaco-dépressive refusant le lithium qui annihilerait ses « highs créateurs », elle portait en elle de longues années de catholicisme obscur, elle voulait comme plusieurs femmes de son époque, être une sainte et une missionnaire en Afrique, elle voulait être riche, troquait sa bible pour le best-seller des années 60-Réfléchissez et devenez riche de Napoléon Hill- mais se jurait d’être une bonne richarde et de partager avec les pauvres de la planète, les profits de ses entreprises ingénieuses. Mamie Plume avait comme gourou Walt Disney, et décida de suivre son exemple en achetant une terre marécageuse pour bâtir son futur empire dans un coin perdu des Cantons de l’Est, elle cacha pendant de longs mois les chèques d’allocations familiales à Papi Plume qui trouvait toujours a investir sur sa vieille « minoune » plutôt que d’améliorer les conditions de vie de sa petite famille. Le lopin de terre acquis, Mamie Plume convainquait Papi Plume de quitter la banlieue cossue pour jouer, aux Arpents verts, comme le couple Douglas qu’il voyait à télé et élever des chèvres, des poules et des canards puis, bâtir leur cabane au Canada avec des palettes de bois recyclés, instruits des méthodes de construction par leur encyclopédie du bricolage achetée en plusieurs versements chez Grolier. (Les aventures de petite Madame Plume en défricheuse de marécage et son calvaire à la campagne sont à lire dans d’éventuels textes thérapeutiques à venir. À suivre…)

Papi Plume était un séparatiste militant, un vrai de vrai, un dur de dur, lui de nature plutôt radin ne manquait de contribuer au Parti Québécois sous la gouverne de René Lévesque, il manifestait patriotiquement dans toutes les marches contestataires, allait occuper avec d’autres militants, les berges des lacs québécois pour contester l’achat de nos pourvoiries par de riches Américains, même si des hélicoptères de l’armée tentaient de venir les intimider, des hommes comme Tex Lecor, les saluaient en abaissant leurs culottes et leur présentant leurs fesses avec dérision. Petite Madame Plume manifestante en herbe, regardait ces messieurs avec de grands yeux, son père pour elle était un héros qui combattait les méchants Américains, les vilains Anglais. Chaque fois que Papi Plume devait poser un timbre sur une enveloppe, il ne manquait pas de prouver son allégeance à la cause séparatiste en collant le timbre à l’effigie de la Reine de l’Angleterre. la grande colonisatrice, à l’envers et lui dessinait autour du cou une corde de pendaison. Mamie Plume quant à elle utilisait ses talents d’artiste à peindre des caricatures de Robert Bourassa sur l’échafaud, et le fier slogan – Vive le Québec libre! —

Vint la crise d’octobre 1970, la loi des mesures de guerre instaurée par Pierre-Elliot Trudeau suite à l’enlèvement du ministre du Travail et de la main-d’œuvre du Québec Pierre Laporte par le FLQ, suspend tous droits civils, les enquêtes mènent chez Papi et Mamie Plume… Petite Madame Plume voit entrer chez elle deux inspecteurs de la GRC, ils sont beaux, ils ont de longs manteaux de tweed gris, des chapeaux du genre Dick Tracy, ce sont des détectives comme Élliot Ness! Wow! Peut-être ont-ils des montres avec des gadgets hyper sophistiqués comme James Bond? Ils fouillent la cuisine, ouvrent les portes d’armoires… Petite Madame Plume se rappelle les cordes autour du cou de la Reine, et l’échafaud du monsieur au nez pointu que sa maman dessinait sur les affiches, elle sent que ses parents ont fait de mauvais dessins, elle se colle sur Mamie Plume pour que les messieurs ne lui enlèvent pas sa maman, Papi Plume n’est pas là il court après des images avec sa caméra super 8, pour filmer les arrestations.

Mamie Plume n’a pas froid aux yeux, elle affronte les détectives comme une vraie rebelle.

— Vous croyez que nous cachons Pierre Laporte, couché sur les piles de vaisselle?

Elle n’aimait pas que l’on fouille dans ses armoires de cuisine, c’était son royaume, et pas question qu’un abruti de la GRC voit que la tablette du haut pouvait être graisseuse!

De ses beaux yeux bleus tout froncés, Mamie Plume avait su rendre les deux gaillards, de purs abrutis, ils étaient repartis aussitôt. Petite Madame Plume avait senti ce jour-là, que rien ne pourrait lui arriver tant que Mamie Plume serait là. Elle était de ces mères tigresses qui pouvaient en une seule mordée, un seul rugissement, faire fuir n’importe quel rapace qui oserait s’approcher de ses enfants. Ce sang de fauve coulait dans les veines de petite Madame Plume, lorsqu’elle deviendra mère elle-même, quiconque tentera de s’approcher de sa précieuse progéniture laissant planer l’ombre d’un danger s’exposera au pire danger. Gengis Khan aurait l’air d’un enfant de chœur au côté de Madame Plume combattant l’ennemi de ses enfants.

Bref, Madame Plume a pour ascendants directs de vrais patriotes, qui se seraient battus loyalement si cela avait été possible auprès de Jean-Olivier Chénier lors de la bataille de St-Eustache en1837, mais bien que bercée dans son enfance par une vague bleue enveloppante, le 26 mars 2007 elle se retrouva devant une croisée de chemins et dut poser une croix sur un bulletin de vote pour faire son choix sur l’avenir de son pays, un rêve d’indépendance, un avenir incertain pour ses enfants, un contrat en blanc qu’elle ne saurait signer.

L’hésitation tue… Elle a choisi un jeune loup qui semble savoir mordre aussi fort pour protéger sa portée. Mais… s’il ne sait que rugir, qu’il ne semble fort que par son pelage dressé, Madame Plume sortira ses crocs aux prochaines élections.

Elle ne dort que d’un œil…

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